In the end, the love you take is equal to the love you make…

« Il fait beau ce matin.
Un peu froid mais beau.
Soleil d’hiver.
Enfin de fin d’automne…

Tout seul sur ce chemin de montagne que j’arpente depuis si longtemps.
Juste en haut de ce bon vieux chalet de famille.
Il est toujours là avec nous lui. Qui l’eût cru?

Personne n’a voulu venir avec moi ce matin. « Fait trop froid » qu’ils disaient.
Ah ces merveilleux fainéants les gosses de maintenant.
Les-gosses-de-maintenant sont toujours fainéants finalement…
Hé hé hé…

Je pète toujours la forme moi…
Bon-pied-bon-oeil quoi… Hé hé hé…

« 94 piges quand même le vieux »
Il se foutait gentiment de ma gueule le fiston, quand on est monté au col du bonhomme le jour de mon anniversaire il y a un peu plus de deux mois… J’l’ai bluffé! Et moi aussi d’ailleurs…

M’enfin, j’me sens bien aujourd’hui.
Fini ces petits tracas aux intestins.
L’operation a bien marché…
« Z’êtes reparti pour 10 ans! » qu’ils m’ont dit…

94 ans bordel… Comment j’ai bien pu tenir si longtemps?
Je ne sais plus trop ce que j’avais voulu ou prévu tout au début.
Mais j’en ai chier pour le trouver ce putain de chemin.
Putain de chemin…
Les gosses, ils disent que ça se dit plus Putain.
Hé hé hé…
Putain de chemin, va…

Faut dire que j’étais une sacrée feignasse. Je le suis toujours un peu, faut bien le dire!
Un putain de ramier quoi…
Hé hé hé…

Et puis pourquoi prendre des risques quand la vie est plutot généreuse avec vous dès le départ?
Si ce n’était cette petite voix… Cette putain de petite voix à l’interieur qui crie toujours plus fort…
Putain de petite voix, va. Hé hé hé…

Il me tarde de revoir ta gueule, sacré ange-gardien.
T’as quand même bien bossé mec!
C’était pas gagné avec un glandeur pareil! Hé hé hé…

J’ai fini par me bouger, vivre, risquer, aimer, aimer mes amis, combattre mes ennemis, me casser la gueule, avoir mal, me relever, kiffer, pleurer, rire, perdre, gagner, vivre…

Oh il y a toujours plus à faire bien sûr… Mais le vieux, comme ils m’appellent, il se dit que si cela s’arrête aujourd’hui, il pourra mourir avec un bilan « globalement positif » comme ils disaient dans le temps…
« Dans le temps… » Putain, voilà qu’j’parle comme mon grand-père moi…
Comme un vieux quoi!!
Ah Ah Ah… Ah Ah AAAAhhh…… »

Et c’est ainsi que je suis mort.
De cet immense rire sur ce chemin de Haute-Savoie, vers cette crise cardiaque inattendue et fulgurante.
Une putain de chouette mort!
Y a plus qu’à écrire le chemin de vie qui y conduit.
Hé Hé Hé…

No comment