Liberté, dépendance et discipline

Listening to : Coldplay – X&Y

Au départ d’une relation amoureuse, on a toujours ce sentiment paradoxal d’une grande liberté. Exacerbé par le désir, on accède à un bonheur qui parait nous libèrer, nous laissant croire à une plus grande liberté que si on était resté seul. L’aveuglement de la passion initiale, engendré par le jeu de séduction, cache ou altère la réalité de l’autre. On se fait encore plus doux et attentionné pour apporter à l’autre tout ce que son besoin de passion ardente parait réclamer. Cette période est douce, car superficielle. Elle semble être un aboutissement. On a l’impression d’avoir résolu en quelques semaines la grande équation de l’amour, d’avoir enfin trouvé du sens, et que ce sens amènera à une plus grande liberté, par une plus grande lucidité dans ses choix.

Mais la couche superficielle de la passion ne dure pas. Elle ne peut pas durer. On peut l’entretenir plus ou moins longtemps. En entretenant le mystère, la distance, l’isolation au monde extérieur. Mais elle est destinée à exploser. Trop d’individus, parmi les moins matures affectivement, ne veulent pas l’admettre. C’est l’éducation fleur bleue, la propagande hollywoodienne, le mythe du mariage idéal. On refuse trop souvent de croire à cette fatalité. Ainsi, quand la peinture de la passion s’effrite, nombre de jeunes couples vont exploser. « Si ça s’effrite, c’est que ce n’est pas le bon. Reprenons la quête ». Ou plus égoistement, « si ça s’effrite, c’est qu’il ne m’accepte pas comme je suis, cassons-nous. »

C’est pourtant le premier test important d’une relation amoureuse. Se rendre compte qu’on aime même si on est déçu par l’autre. Passer de l’amour fleur bleue à l’amour vrai. Accepter l’autre. Comprendre l’autre. Aider l’autre. Aimer l’autre. Ne pas se regarder en surface (le nombril), mais à l’intérieur (l’âme, les tripes etc). Paradoxalement, il est probable que plus ces déceptions post-passion seront fortes, plus la possibilité d’atteindre l’amour vrai existe. Des déceptions liées à des détails insignifiants seront dépassées facilement. La relation pourra continuer tranquillement, sans que le couple n’ait ressenti de crise importante, de fissure. Mais celles-ci sont réelles, et finissent par créer une fracture importante trop longtemps après la phase passionnelle. Le couple se meurt alors, car il n’a pas envie de comprendre, de s’introspecter, de faire l’effort de l’amour vrai.

A contrario, des déceptions plus fortes, si elles sont indubitablement plus dangereuses, sont aussi une vraie chance. Comme en finance, plus de risque, donc plus de rendement à long terme. Cela nécessite beaucoup d’efforts. Cela nécessite d’apprendre rapidement la vraie patience, la vraie dignité, la véritable confiance, la véritable humilité. Cela nécessite de comprendre en soi, et non plus dans le couple, ce qui a favorisé cette fracture soudaine.

Malheureusement, nous sommes dans un stade d’évolution où l’on cherche à minimiser les risques, où l’on privilégie « le principe de précaution ». En amour, ca veut dire qu’en cas de fracture soudaine et précoce, on se barre. Ne prenons pas de risques, allons voir ailleurs! Tout cela amène à une multitude de relations simples et légères, fusionnelles en apparence, mais condamnées à exploser, souvent à la surprise de l’entourage, et souvent trop tardivement. C’est pourtant dans la difficulté que l’on apprend le plus. C’est dans la difficulté amoureuse que peut apparaître la plus belle histoire d’amour. Cela nécessite patience, intelligence, maturité, confiance et un zeste d’optimisme invétéré

La fausse liberté initiale doit ainsi passer par une phase de dépendance importante, ou l’entretien/la réparation de la connection à l’autre prime sur tout. Si l’amour est vrai, le temps et la discipline transformera subrepticement cette dépendance en une évidence, en une mécanique répétitive et pourtant plaisante. La dépendance se transforme alors en vraie liberté.

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