Pour peu, j’en aurais presque changé mes habitudes.
Je n’ai rien contre la promiscuité avec mes semblables le matin. Mais la possibilité d’être seul, assis confortablement, seulement entouré des notes voluptueuses de Chopin, c’est difficilement envisageable dans le RER.
Ou alors encore plus tôt le matin.
Et en apportant son propre siège.
Je ne sais pas pourquoi cela s’est produit ce matin-là justement.
Je ne crois pas au hasard, mais je ne sais pas…
J’y avais pensé quelques instants plus tôt, alors que je demandais à Josiane-du-GPS de m’indiquer le meilleur chemin jusqu’à la Gare Montparnasse.
Angel Jub : « Tu ferais mieux de regarder la route. Tu vas finir par avoir un accident »…
Jub: « Non. Non. Pas aujourd’hui. J’suis plutot en bonne forme d’ailleurs pour un Lundi »…
Arrivé sur l’A3 vers 7h.
Ralentissement.
Bouchon.
Accordéon.
L’échangeur de l’A86 approche.
Fin de ralentissement.
Réacceleration.
Cool! J’aurais le temps de me prendre un bon café à Montparnasse.
Un comme j’aime… Américain. Long. Avec une pincée de sucre…
Ah merde, ça ralentit à nouveau sur ma file.
N’avance pas cette camionette.
N’avance plus du tout même on dirait.
Arrêter d’accélerer.
Freiner même.
Freiner à fond si je ne veux pas la toucher.
Freiner comme un dingue si je ne veux pas y laisser une jambe.
Voilà…
Comme ça, ca ira.
Je sais que dans moins d’une seconde, ma voiture va toucher cette foutue camionette.
Mais ça sera à moindre frais quoi…
Enfin, facon de parler évidemment. Ca va me couter de la tune quand même… Mais bon, moins que la taxe foncière reçue samedi…
J’ai pilé suffisament pour éviter le soi-disant film de ma vie. Pour ne me soucier que de la suite immédiate. Pourra-t’elle continuer à rouler ? Ai-je le temps de la ramener à la maison et de repartir à la gare? Faut-il faire un constat ? Faut-il que j’appelle mes collègues? Lequel? Lui ou elle? Devrais-je gueuler après quelqu’un ? Pleurer?
Boum… Ca, s’est fait…
Je tape des 2 mains sur le volant. Je ne sais pourquoi ni contre qui, mais je me dis que c’est ce que l’on fait dans ces circonstances, non?
Je serai tenté de faire comme si de rien n’était, et de continuer ma route en saluant mes compères accidentés.
Eux s’en foutraient puisqu’ils sont en tort. C’est toujours les autres qui ont tort de toute facon. Même si je n’ai pas gardé ma distance de sécurité.
Bon, si il y en a un qui sort, je sors aussi!
Tiens, c’est à ca que ca ressemble alors un ralentissement provoqué par un accrochage léger… Je dois être sur sytadin. C’est ma minute de gloire sur le web! En ce moment même, des milliers de paires d’yeux me découvrent sur leur écran… C’est moi le petit point qui clignote là!
Accrochage léger, c’est moi!
Faudrait que j’les appelle qu’ils mettent un lien vers mon blog.
Ce serait trop cl…
Bon. Merde. Il sort…
Pas le choix, je sors aussi.
Bon, bah, ça a l’air d’aller. Elle a pas l’air trop cassée la titine…
Elle n’a pas de bleu autre que celui de sa peinture.
A moins que… Oh merde Titine! Mais tu saignes! Ou tu pleures?
J’en sais rien, j’ai toujours été ignorant en anatomie automobile.
Mais ça doit pas être bon ça hein?
T’as pas mal j’espère.?
Lui : « Vous n’avez rien? »
« Bah si, ça coule quand même… Mais j’y connais rien moi… C’est grave docteur?… Z’avez une tête à être docteur pour voiture vous, non? »
« Pfou… C’est le radiateur ca! »
« Ah! Cool! C’est pas grave ça. Je vais pas très loin. Je peux me passer du chauffage… »
« Ouh là! Faut couper le moteur sinon il va exploser… »
« Ca, ça fait un peu peur quand même. Mais je peux aller jusqu’à Paris? »
« Oui. Oui. Porte de Montreuil! »
« Mais c’est pas juste à côté ca! Ca va pas exploser »
» Nou No Non. Fo sortir a la première sortie! Vite! Vite! Vite! »
« Bon! OK! Filez moi votre numéro. On s’téléphone. On s’fait un constat… »
Allez Titine. Ca va aller, j’te jure. T’inquiètes pas.
Moi, j’ai pas mal au corps là. J’ai mal à l’ame. Mon esprit gras du bide qui m’fait ça.
Je suis perdu finalement là, tu sais… Complètement paumé comme trop souvent en ce moment…
Je fais quoi? Je vais à la gare quand même? Faire le zouave devant mes collegues?
Je rentre chez moi? Pleurer dans ses bras. M’enfouir sous une ou deux couettes. Y rester jusqu’a ce que l’huissier du Crédit Agricole vienne me chercher?
Pourquoi ça ce matin?
Se relever.
Repartir.
Combattre as usual…