C’est une histoire que l’on ne sait pas par quel angle attaquer…
C’est une chronique qui pourrait être émouvante, suave, nostalgique. Comme sa musique.
Elle aurait aussi pu être comique voire coquine. Même cela aurait été un peu décalé.
C’est un concert qui a commencé bien avant ses premières notes. Au coeur d’une autre de ces journées de merde. Une de plus à ajouter à la longue liste de celles durant lesquelles je fais semblant. Durant lesquelles je joue la montre.
Au bord du gouffre…
A quelques souffles d’y tomber même.
Sans raison particulière.
Juste par ce que mon cerveau est totalement indiscipliné.
Même si je savais qu’elle pouvait me sauver, j’avais pourtant décidé de ne pas acheter mon billet à l’avance en espérant le dégoter au rabais sur le trottoir de Pigalle.
Pour expérimenter le fait de faire le trottoir à Pigalle ? Je ne sais pas à vrai dire. Cela n’avait pas beaucoup de sens de prendre le risque de se priver de la voir.
Sauf qu’un homme généreux est venu me tendre un billet. Un des quelques uns qu’il avait en trop. Sans rien demander d’autres qu’un Merci sans voix…
Moi estomaqué, lui rigolard, nous sommes entrés… Au coeur de La Cigale, de loin ma salle parisienne préférée…
Grâce à cette belle âme, cette journée de merde était déjà oubliée.
The Submarines, trio poppy convaincant, me mettent une grosse dose de baume au cœur avec leur enthousiasme rafraichissant… A suivre assurément.
Quand arrive le temps où Aimee doit monter sur scène, je réalise que c’est en fait le matin de cette journée. J’ai juste passé une sale nuit. No big deal quoi…
Le premier morceau, Stranger into Starman enchainé sur Looking for Nothing, continue à me faire sourire béatement.
Rapidement pourtant, Aimee sort l’artillerie lourde.
Toujours aussi bon pour mon âme, mais à travers des émotions différentes.
Aimee Mann redevient Magnolia, ce monument de Paul Thomas Anderson.
Aimee Mann me chante à nouveau cette histoire de mon passé.
Aimee Mann, c’est elle, c’est moi et c’est nous.
Quand les premières notes de Save Me résonnent, l’émotion me saisit immédiatement.
Pour m’en défaire, je cherche un moyen de la partager. Comme si en la diffusant, je pouvais la dissoudre.
Une photo. Une courte vidéo. Peu importe le résultat…
You look like a perfect fit for a girl in need of a tourniquet
…mais il n’y a qu’avec elle que je puisse la partager…
But can you save me from the ranks of the freaks who suspect they can never love anyone ?
Je décroche mon téléphone, l’appelle et le laisse dans ma main jusqu’à la fin du morceau.
Est-elle au bout de la ligne ? Est-ce son répondeur ? Peu importe…
Les années passent et l’amour change.
Le temps fait son œuvre et ne reste que le souvenir d’une rencontre exceptionnelle dont Aimee Mann a signé la bande originale.
Je range mon téléphone, revigoré d’avoir habilement diffusé cette émotion submergeante.
Sans crier gare, Aimee me porte alors l’estocade.
It’s not what you thought when you first began it
A peine les premiers mots de Wise up s’envolent-ils au milieu de La Cigale, me voilà fort dépourvu sans qu’une bise réconfortante ne soit venue…
You got what you want. Now you can hardly stand it though.
Je ne peux empêcher quelques larmes de couler quand elle chante. Je n’ai pas le souvenir d’un concert qui ait réussi cet exploit…
Cause it’s not going to stop til you wise up
…car je sais que c’est à moi que ces deux morceaux joués coup sur coup étaient adressés…
Ces deux monuments passés, Aimee et sa bande continuent à accompagner le plaisir de cette si délicate journey.
Je suis sidéré par sa voix.
Sa capacité à transmettre l’émotion sans avoir besoin de la jouer par les mouvements de son corps ou les rictus de son visage.
Je découvre tous ces morceaux que je connaissais sans les avoir jamais entendu.
Je m’aperçois que même si ma culture Aimee Mann s’arrêtait jusqu’à hier soir à Magnolia, elle est une artiste importante pour moi.
Je suis épaté comme un môme quand, au milieu du set, elle nous demande les morceaux qu’on a envie d’entendre, que elle et son groupe s’empressent de caler en quelques notes et regards avant de nous les offrir.
Et bien sûr arrive One, tube toujours issu de Magnolia, qui fait chanter La Cigale de plaisir.
Two can be as bad as one. It’s the loneliest number since the number one.
Deathly termine un concert important, au moins pour moi à coup sûr.
…when one act of kindness could be deathly
En sortant, je recroise mon généreux mécène de la soirée. Je le remercie maladroitement mais aussi chaleureusement que je le peux à la sortie de ce voyage. Lui aussi se montre étrangement plus timide qu’avant le spectacle, mais me sourit et semble sincèrement heureux que cela m’ait plu…
Ah oui, j’allais oublier de vous dire…
(A moins que cela soit pour m’assurer que vous lisez tout jusqu’au bout!… niark niark…)
Mais le type qui m’a filé mon billet, vous le connaissez sans doute.
Il s’appelle Jean-Yves Lafesse…
Quelle incroyable journée!
Merci à tous!
Aimee Mann – Stranger into Starman / Looking for Nothing
A nouveau, merci à Oliver Peel pour ses jolies photos du concert d’hier soir.
Vous les trouverez toutes sur sa page flickr.