[Concert] Daniel Darc au Cabaret Sauvage

On pourrait penser qu’aller écouter Daniel Darc au retour de quelques semaines de congés, n’est pas la meilleure façon de reprendre pied avec l’agitation parisienne.
Il paraît être des mots plus apaisant a entendre que les siens.

Et pourtant, ce soir-là, dans la chaleur intime du Cabaret Sauvage, la noirceur de ces vers avait quelque chose de rassérénant.

Peut-être le simple fait de le voir toujours là, malgré tout, six mois après que Bashung se soit barré.
Je ne peux m’empêcher de les rapprocher ces deux-là.
Crèvecoeur, ce somptueux album de sa renaissance en 2004, m’a toujours semblé être le petit frère à la gueule cabossée du Fantaisie Militaire de Bashung.

C’est d’ailleurs La main au cœur qui ouvre le set.
Avec une version épurée, piano et violoncelle remplacent les arrangements plus électroniques de l’album, Daniel Darc plante le décor d’un concert émouvant.

Rapidement arrive aussi La pluie qui tombe
Les regrets, ca va droit au cœur
Et ca y reste
Jusqu’à ce qu’on meure.

Daniel Darc attaque et me touche.
Les poils s’hérissent et les paupières se remplissent.
Coquin! Je ne t’avais pas vu venir toi là-bas qui gesticule sur un scène comme un Golum mal réveillé.

Le set se poursuit faisant la part belle à son aussi réussi album éponyme de 2008, saupoudrées ici et là de quelques reprises assez réussies (Moonriver, My Funny Valentine et le toujours somptueux Perfect Day notamment).

Et comme sur Crèvecoeur, Daniel Darc termine le concert en lisant les vers du Psaume 23

Le seigneur est mon berger.
Je ne manquerai de rien.
Il me fait reposer dans de verts pâturages,
Il me dirige près des eaux paisibles.
Il restaure mon âme,
Il me conduit dans les sentiers de la justice,
A cause de son nom.
Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort,
Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi.

Un clin d’œil spirituel et optimiste qui m’a toujours plu.
Comme pour dire que même si ses chansons les plus belles sont les plus noires, que même si la vie l’a mâché, il a la foi de celui qui est toujours là.

Daniel Darc au Cabaret Sauvage

Daniel Darc au Cabaret Sauvage

PS: Un bravo aussi au reste de l’orchestre pour leur prestation impeccable, et en particulier au violonceliste Pierre Le Bourgeois qui paraissait caresser son instrument ce soir-là, comme on caresse une femme.

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2 comments to [Concert] Daniel Darc au Cabaret Sauvage

  • Une belle critique de rentrée. Je l’avais vu il y a un an et demi à Lyon au Ninkasi Kao, salle assez intimiste. Comme il y a de grands concerts, il y en a d’autres bizarres, insidieux qui vont graver un souvenir sans pour autant que l’on ait la sensation d’assister à un « événement ». Celui de Daniel Darc était de ceux là. Avec une Berry toute en finesse en première partie. Darc c’est un peu ma génération au sens ou Taxi Girl brillait au moment de notre adolescence entre Cherchez le garçon – dont il livra une version rageuse et violente ce soir-là – et Seppuku, album de noirceurs auto-destructrices. D’ailleurs durant ce concert je flirtai avec les réminiscences de ma part obscure et de mes errements post-punks qui s’il ne m’emmenèrent aussi loin qui lui ont pu prendre l’aspect d’une longue nuit alcoolisée et dure comme dans la nouvelle de Fitzgerald. Lui-même livra une performance fragile, sur le fil proche de l’ébriété et/ou de la timidité avec des instants de « rages » et des poses de rocker loser tragique. Autant dire que je ressentis une sensation de malaise, comme un retour de mal-être, mêlé à la douceur et à l’énergie du désespoir. Il nous offrait un plaisir mais un plaisir pas évident qui devait s’inscrire en nous pour que la soirée resta un souvenir durable. Une sorte d’impressionnisme scénique.

    Déjà (ou encore) il sortait aux rappels son petit carnet de sa poche pour nous livrer ce psaume 23 étonnement touchant pour un bouffe-curé comme moi avant de sortir sur quelques mots en hébreu que ma copine me traduisit mais dont j’ai oublié le sens mais pas vraiment la sonorité…

  • Jub

    Merci pour ce commentaire super touchant.

    Je crois comprendre ce que tu entends par concert « insidieux ». Un peu comme ces chansons qu’on croit legere et facile a premiere ecoute et qui revelent d’autres visages au fur et a mesure qu’elles passent dans nos oreilles.

    Et ce Psaume 23 est touchant car il est la simplicite que les religions, dans leur obsessions de faire de la politique ont oublie.
    Et un sacre clin d’oeil d’un artiste plus habitue a fouiller dans sa noirceur.