Conversation avec Harry #4

- AH ! ENFIN !
– Euh… Salut !… Quoi « Enfin »?
– Enfin, tu me causes ! Depuis ce matin, tu me tournes autour !
– Ah bon… Mais non, je…
– Je glande devant le clavier sans même perdre mon temps à surfer ?
– Oui… J’ai pas assez dormi, c’est pour ça.
– Bien sûr. Tu n’osais pas me parler surtout!
– Mais non ! T’es sûr que ce n’est pas plutôt toi qui voulait me parler ?
– Bien tenté gamin ! Mais je n’ai rien à te dire moi. J’essaie juste de t’aider à accoucher de temps à autre. Alors ?
– Alors quoi…
– Arrête de me la faire je-vois-pas-de-quoi-tu-veux-que-je-te-parle
– Ouais… Bon… Ça va… Non, mais j’ai pas besoin de toi pour ça. C’est trop bête.
– Mais bien sûr… Et tu crois que tu parles avec qui là? Et tu ne viens jamais me parler pour me raconter le dernier film que t’as vu hein ?
– …
– Donc ?
– Donc… Donc ça m’énerve ! C’est tout ! Y a rien à dire sur ce sujet…
– Tellement rien à dire que t’en as fait une chanson, c’est ça ?
– Oh c’est bon!
– Tu retravailleras un peu le texte du second couplet d’ailleurs, il est pas top…
– Mais lâche-moi merde…
– Ouh, on est sur du sensible là. C’est plus tes questionnements métaphysiques habituels.
– Ce n’est pas du sensible justement. C’est du brut. Ça me fait chier de ressentir ces émotions en fait…
– Tu te voyais plus éthéré que ça ?
– Ouais… Peut-être un truc comme ça…
– Mais on ne s’incarne pas dans la matière pour la rejeter. Il faut l’appréhender aussi. Et appréhender tout ce qui va avec. Pourquoi continues-tu à la fuir ?
– Qui parle de matière ?… Et puis, je ne la fuis pas. Putain, j’aimerais bien la fuir. Je n’arrive pas à la fuir. Et je n’arrive pas plus à comprendre ce qui m’attire. Ou ce que je comprends me paraît tellement pathétique…
– Pourtant, ça devrait te plaire ce côté inéluctable. Ce petit côté mystique et inexplicable non ?
– Tes commentaires à la con, ça ne m’aide guère. Je fais quoi moi maintenant ?
– Tu sais, moi je ne sais rien. Tu veux faire quoi ?
– Ne pas l’avoir en tête. C’est juste totalement absurde.
– Pourquoi cela y est-il alors? Même moi, avec mon caleçon en soie et mes petites ailes, je vois pourquoi. Ne fais pas celui qui ne voit pas.
– Grrr… Oui bon, ça va. OK. Le coup du trophée. D’accord. Mais bordel, j’ai pas dépassé ça encore ?
– Je ne sais pas… L’as-tu dépassé ?
– Je crois oui. Enfin, non, mais je veux dire ça ne devrait pas durer si longtemps ça. Quelques jours tout au plus ?
– Le principe du coup du trophée, c’est qu’il dure aussi longtemps que l’on ne l’a pas eu, ou qu’on a pas trouvé un trophée plus attractif.
– Hum… Mais pourquoi celui là en particulier ? Enfin, tu dois bien aussi voir que cela n’a aucun sens !
– Je ne sais pas… Pourquoi selon toi ?
– Le coup des signes et des coïncidences ?
– Hé Hé… Deux ou Trois coïncidences bien rapprochées sur un joli trophée, tu vas pas tourner la tête non ?
– Hum… Mais ce n’était pas des coïncidences alors?
– Tu sais qu’il n’y a pas de hasard.
– Donc, c’est bien que…
– C’est bien que l’on peut toujours interpréter les signes comme on veut. On peut toujours leur faire dire ce qui nous arrange. Être capable de les regarder sans « intérêt », c’est la prochaine étape pour toi.
– Hum… Tu ne m’aides pas beaucoup là.
– Je sais, mais dans un petit coin de ta tête. Tu as, en quelque sorte, encore envie d’une récompense. C’est vrai que c’en est une jolie.
– Mais c’est mal de le vouloir ?
– Ah tiens, tu admets le vouloir ?
– Euh… Je… Non… Enfin, je ne sais pas.
– Non, ce n’est pas mal de le vouloir. C’est. Comme toujours. Cela Est. C’est tout.
– Hum…
– Ce qui serait « mal », c’est de s’inventer une histoire pour se justifier qu’on est parfaitement cohérent avec soi-même en le voulant.
– Oui… Je crois que je l’ai déjà fait ça
– En admettant ses propres incohérences, on gagne en réalité, à un certain niveau, en cohérence. Prends les choses, les situations, les objets, les gens etc… comme elles sont. Pas comme tu penses qu’elles sont, ni comme tu voudrais qu’elles soient. Avec bienveillance et curiosité. Ça ne te rappelle rien?
– Si… Et donc, je fais quoi ?
– Tu ne sais toujours pas.
– Je lâche prise.
– Lâcher prise ne signifie pas toujours abandonner.
– Oui, c’est plutôt abandonner ses habitudes de tout contrôler. Laisser et se laisser faire les choses comme on les ressent, c’est ça ?
– Quel verbe ! Et tu ressens quoi alors?
– Je ne sais pas trop, mais je vais me laisser le ressentir.
– Good boy ! Bon, je te laisse, j’ai une partie de Tennis avec l’ange de Martina Hingis qui m’attend.
– Merde… Vous jouez au tennis là-haut.
– Et pourquoi pas ?!

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