C’est elle que j’ai aperçu en premier.
Coup de foudre?
Non, pas vraiment.
Elle était jolie.
Je n’irai pas prétendre le contraire.
Mais avec le temps, le radar s’affine et voit bien vite au-delà des apparences.
Coup d’un soir?
Hum…
Ce n’est plus de mon âge…
Et cela ne l’a jamais vraiment été d’ailleurs…
A vrai dire, ce qui m’a troublé en l’apercevant, c’est que j’imaginais à peine qu’existait des êtres humains comme elle…
N’y voyez aucune condescendance!
C’est plutôt que je ne voyais pas comment un être comme elle pouvait croiser ma route.
C’est comme si j’avais croise un Aborigène d’Australie.
Je sais qu’ils existent, mais a priori je ne suis pas supposé les rencontrer.
En somme, des comme-elle, j’en avais juste entendu parler.
En la regardant… Que dis-je!… en la scannant du bout du talon à l’extrémité de ses cheveux blonds, je ne voyais que l’image du sketch de Florence Foresti sur les femmes douces.
Sans doute, suis-je coupable d’un cliché hâtif dans la mesure où je ne me suis même pas entretenu avec elle.
Elle n’avait l’air ni méchante, ni perdu.
Elle était juste elle, et finalement tant que chacun est à sa place, le monde peut tourner à peu près rond j’imagine…
Néanmoins, je mentirais si je prétendais que le rictus de sourire que j’arborais alors, ne revêtait pas un caractère un tantinet méprisant.
Mais tout ça, c’était avant qu’Elle n’arrive…
Visualisez alors le silence.
Mon silence.
Visualisez-le.
Le mien uniquement car la pièce ou je me trouvais subissait un brouhaha non identifiable.
Mon silence… puis mes interrogations.
Mes qu’est-ce?
Ou qui est-ce?
Ce n’était plus un Aborigène d’Australie qui se présentait à moi, c’était un Ours Polaire.
Je sais qu’il existe des endroits à Paris où l’on peut observer des ours polaires. Mais ils son rares, et ceux que l’on y croise subissent l’infinie tristesse de la captivité humaine.
Oui, un Ours Polaire…
Ou peut-être n’était-ce qu’un vulgaire petit cabot, maladroitement vêtu d’un costume d’Ours Polaire pour mieux attirer l’attention de la cour de bêtes qui paradait par ici.
Oui.
Cela devait plutôt être ca.
Cela me rappelait des histoires d’il y a longtemps…
Songes jusqu’à cette scène improbable où l’ours polaire mima avec un des bâtard de cette cour étrange, un acte sexuel que je parviens même sur l’instant à trouver vulgaire.
Il est facile de ne prétendre être choqué par rien.
Mais en réalité, ce n’est pas la vulgarité de la scène qui me frappa.
C’est sa tristesse.
Le décalage entre l’excitation hormonale du bâtard frétillant, et la soumission désespérante de l’ours polaire.
Elle n’appréciait pas l’instant.
Elle le subissait.
A un certain niveau en tout cas.
Je voyais un être humain subir le costume qu’elle s’était convaincu devoir revêtir pour exister.
Ce n’était pas de la provocation.
Cela eut été fait avec bien plus d’élégance, et de facilité vu le taux d’hormone au m².
C’était juste la seule façon qu’elle trouvait pour exister.
Pour se démarquer.
Et malheureusement, au milieu de cette cour aux instincts bestiaux, elle y excellait.
Sans doute qu’un jour, elle se réveillerait les paupières lourdes, des torrents de larmes sur les joues, se plaignant que les hommes ne s’intéressent jamais a ce qu’elle est.
Peut-être même que ces jours-là étaient déjà là?
Peut-être…
Alors, j’ordonnai à mes yeux de quitter le corps de l’ours polaire.
Définitivement.
Quelques instants plus tard, ils se posèrent à nouveau sur celui de l’Aborigène d’Australie.
Et elle me redonna définitivement le sourire.
Sans plus aucun mépris.
Bien au contraire!
Oui, tu es belle toi!
Pas pour ce qu’on voit, mais parce-que tu es juste toi.
Puisqu’il n’y a rien ni personne d’autre à être…
un de mes amis poètes prétend que la femme laide possède un atout considérable par rapport à la femme belle. Quand la femme laide se regarde dans le mirroir, elle sait tout de suite que ce qu’elle voit n’est pas ce qu’elle est…