Je tenais à prendre le temps de revenir sur un évènement auquel j’ai eu la chance d’assister cette semaine. Il s’agit d’un débat conférence, conjointement organisé par Ernst&Young et Sciences-Po, réunissant un panel varié autour de la notion de « nouveaux conquérants ». La question secondaire posée était autour de l’équilibre entre la conquête du savoir et la quête de sens. Ce genre de conférence, pro ou semi-pro, est généralement suffisamment ennuyeuse pour qu’il soit dit quand elles sont de grande qualité comme c’était le cas ce mercredi soir.
Autant, faire un billet sur un concert est chose aisée et rapide, autant celui-ci est plus délicat à structurer. Le plus simple, dans la mesure où ce billet n’a pas vocation à exposer une nouvelle vision du monde, est de partager quelques notes et pensées prises à la volée en écoutant les orateurs. L’ordre est « chrono-logique ». Pas d’ordre de priorité ou d’importance dans l’exposition des faits donc.
Préalablement, la discussion s’est effectivement centrée sur les « nouveaux conquérants » d’aujourd’hui, à une époque où même la conquête militaire classique, dans le rapport de force, n’existe plus (cf Afghanistan et Irak). Evidemment, le débat a beaucoup tourné autour des conquérants de l’industrie, du savoir ou de l’art.
1. Première idée intéressante, exprimée par le sobre et excellent Boris Cyrulnik, celle du « point de repli ». Le conquérant a besoin d’un cocon, d’un endroit où il sait qu’il peut revenir en sécurité si il fait fausse route. Rien de révolutionnaire me direz-vous, mais à notre humble niveau, nous avons tous pu ressentir ces périodes d’énergie forte et de conquête personnelle associée à un cadre intime rempli d’amour et de confiance.
2. Seconde réflexion, devenu un fil rouge de la discussion, le fameux principe de précaution. Je me souviens à avoir déjà entendu Claude Bébéar (ex- patron d’AXA) insister sur l’erreur fondamentale de Chirac d’avoir inscrit ce principe dans la constitution française. Il est évident que l’on ne peut pas faire de découvertes majeures aujourd’hui si tout doit être bloqué par ce fameux « principe de précaution ».
3. Globalement, qu’il s’agisse des découvertes ou des découvreurs, un équilibre entre trop de sécurité et absence de sécurité est à trouver. Trop de sécurité tue les découvertes, et enferment les découvreurs potentiels dans un engourdissement psychique. Boris Cyrulnik insiste sur les exemples Israéliens et Américains, où les chercheurs ne peuvent se reposer sur leurs lauriers de longues années durant. En France, une fois que votre place au CNRS est faite…
4. On fait souvent une découverte majeure en cherchant tout autre chose. Cela s’applique à tous les aspects de la vie d’ailleurs… J’en profite pour transmettre à ceux qui ne le saurait pas qu’en français, cela s’appelle la sérendipité. C’était pour le coup une découverte pour moi.
5. Il arrive très souvent, pour ne pas dire systématiquement, que les découvertes/conquêtes les plus significatives soient faites par des marginaux sur des chemins de traverse, plutôt que par les gros paquebots. Je crois que personne ne discutera que cela a été systématique dans l’industrie de l’information par exemple.
6. Enfin, la fin du débat s’est intéressé de plus près aux caractéristiques françaises. Tout d’abord, l’absence de culture économique générale dans notre beau pays. Le brillant Philipe Manière rappelle à ce titre deux sorties superbes des deux principaux partis :
– UMP (NS) : « La croissance si elle ne l’est pas là, moi j’irai la chercher »
– Le PS qui agite l’épouvantail de la rigueur quand il ne s’agit que d’un principe de bonne gestion que chacun d’entre nous applique chaque jour).
7. En France, on pense que l’économie est un jeu à somme nulle. D’où les 35h par exemple. Avec une vraie culture économique, nous finirions par comprendre que quand on crée, on ne pique pas toujours la place ou le marché d’un autre, on l’élargit. C’est ce qui illustre la fameuse croissance. Malheureusement, en France, on préfère souvent la démagogie à la pédagogie. Ca marche mieux !
8. La conclusion n’est toutefois pas si noire. Phillipe Manière dit que nous sommes finalement les champions de l’optimisation sous hyper-contrainte. Nous français, n’aimons rien plus que compliquer un problème pour ressentir le plaisir de l’avoir tout de même résolu : « On parvient à courir le 100m presque aussi vite que les autres, tout en se tirant dans les pieds. Mais irions-nous aussi vite si nous ne nous tirions pas dans les pieds ? ».
Voilà donc ces quelques pensées à la volée. Pour ceux qui veulent en savoir plus, aller sur http://www.cahiers-ey.com . Le site est vraiment très bien structuré et le contenu est riche en qualité et quantité, ce qui est très rare pour un site « institutionnel ». Il suffit d’ailleurs de parcourir le site principal E&Y pour s’en convaincre…